Séance sonore about noon au Muma.

Encore une visite au Muma. J'écoute, à la lumière d’un midi hivernal, « Gargaud Gomez », un duo de musique improvisée électro-concrète. Le décorum rend le jeu fluctuant, mais un brin aventureux. Je vois deux musiciens circonspects poser leurs pattes sur du sable fin. Gargaud est à la guitare préparée, Gomez aux sons synthétisés et à la voix topée. Ils badinent avec l’intimité de l’espace.

Nuagerie sonore

Pour ceux et celles qui ne voient pas bien de quoi je parle, imaginez ces deux musiciens étaler leurs harmoniques dans un vaste espace éclairé d’échos. C'est un chassé-croisé de sauts électroniques légers et très courts avec des vocalises d'humeur organique qui se cale dans une enfilade de séquences improvisées. C'est un tableau sonore, abstrait au premier abord, de pleins et de vides déliés où gravitent des formes alambiquées de « puit », « pouit », « pchuuit ». Au terme consensuel de musique expérimentale, je préfère celui de « musique électro-concrète ».

Ce midi-là, Gargaud et Gomez se montrent précautionneux. Le musée André Malraux n’est pas un lieu qui se prête au saccage. Gargaud aux pieds nus, immole ses sonorités sur une ligne ouvertement féminine, jusqu’à ce que Gomez s’active au micro et à la table de mixage. Gargaud saute alors avec plus d'ampleur. Ensemble, ils happent le vide spatial du musée, constitué de plaques de silence suspendu, et sautent dessus. Le duo nous raconte l’épopée de deux héros venus du froid, pourchassant un monstre insectivore au beau milieu de plaines nues et arides. C’est ce que j’ai cru entendre.

Aventure de l’improvisation

L’avantage de la musique expérimentale c'est qu’elle s'ajuste à nos références propres et repousse le devoir de s’aliéner une culture musicale codée. Pour moi, le jeu réside principalement dans la notation des silences, pris à la fois comme éléments de texture et de spatialisation, surtout dans l’improvisation.

Pour ceux qui, là encore, se demandent si j’affabule, je m’explique. Le silence est une matière vivante nécessaire à toute composition musicale. Cependant, celui des musiques électro-concrètes ne se limite pas à faire partie de l’assemblage ou à tenir le rythme. Il devient matière à l’ouverture du champ de l’expérimentation. Sans son accord, l’improvisation est dénuée de gloire, l’aventure n’en est pas une, et l’ouverture reste à jamais cachée.

Le silence demande à être apprivoisé pour répondre à une double fonction : celle d’habiller l’instant pour entrer dans le jeu des improvisateurs, et celle de remettre l’instant à nu pour « voir » le son se former. Autrement dit, pensez à un livre ouvert, au moment où le lecteur se voit confier les pensées intimes de son héros, voilà ce qui s’offre alors.

Découvrir

Pour revenir à notre duo, lorsqu’ils ne sont pas ailleurs, Gomez et Gargaud sont au Havre. Contactez-les via leur site :

http://co21840.wix.com/gargaud-gomez

Ou informez-vous du programme des concerts de musique expérimentale à l’association havraise « Piednu » située au Fort de Tourneville. Là-bas, ils ont toujours quelques propositions étranges qui satisferont nettement votre curiosité.

sonorites cachees